saumon, qui battent la grosse caisse, qui sonnent de la trompe avec une émulation si terrible ? Pourquoi ces rivalités de fanfares qui me rendent fou ?
— Je vous dis que c’est aujourd’hui le jeudi saint.
« Entrrrrrez, messieurs !… mesdames, entrrrrrez !… »
— Un ours !… je vois un ours sur la porte de ce théâtre ; il est représenté emportant un soldat dans ses bras… Mais l’ours est un animal de carnaval ; il n’y a pas d’ours en carême ; ce n’est pas maigre… un ours !
— Vous ne voulez pas comprendre que toutes ces choses sont destinées aux solennités de la semaine sainte.
— Ah ! c’est là le recueillement !… Mais regardez donc ce cheval, comme il se défend… il va jeter son cavalier à terre !…
— Non ; plus loin il se calmera ; le tapage l’effraye. Comment ! vous ne devinez pas que c’est un pauvre coursier de louage ! il sort du manège aujourd’hui pour la première fois ; il en est à ses premières impressions de voyage. Cette timidité, inséparable d’un début, lui passera.
— Mais il tourne, il tourne toujours ; on dirait qu’il valse et qu’il valse en mesure… Peut-être que c’est un cheval de Franconi ?
— Non ; le cavalier est furieux, donc la valse est involontaire, le plaisir n’est point partagé.
— Ah ! voilà un autre cheval qui passe au galop ; le valseur se décide et le rejoint, il a reconnu un ami. Expliquez-moi pourquoi on a tant de peine à conduire les chevaux de manège.
— C’est qu’ils sont parfaitement bien dressés.
— Que Longchamp est triste cette année !
— Triste ! moi je le trouve trop gai… et je ne sais pourquoi on confie le soin de célébrer la semaine sainte à des bateleurs.
— Ce côté-là est très-animé ; mais regardez par ici, à peine y a-t-il deux rangs de voitures, et des voitures très-laides. Les autres jours, il y a cinq, quelquefois six rangs de voitures, toutes élégantes ou orgueilleuses.
— Longchamp est passé de mode.
— Bien plus, c’est la mode de n’y pas aller. On n’y voit que des calèches de famille, pleines de vieillards et d’enfants ; le vasistas entr’ouvert laisse apercevoir un profil maussade,