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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 5.djvu/476

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LE VICOMTE DE LAUNAY.

l’accompagner. On riait encore dans ce temps-là : c’était aux premiers jours de la république, et, par une folle plaisanterie, rappelant à son neveu une excellente bêtise d’Odry dans une pièce des Variétés, Tony, ou le Canard accusateur, qu’ils avaient vue ensemble, elle formula ainsi la proposition : « Qu’est-ce qui a demandé un commissaire ? — Moi. — Quel est ce commissaire ? — Toi… Viens demain prendre mes ordres. »

Le billet n’était pas signé. Or c’était l’époque où l’on choisissait, pour les envoyer dans les départements, les aimables commissaires que vous savez. On a cru qu’il s’agissait d’un commissaire prétendant, et l’on a gardé la lettre, sans doute pour prendre des informations précises sur le protecteur et sur le protégé. Voilà le mystère. Nous l’expliquons généreusement à ces violents lecteurs de correspondances familières ; mais nous profitons de la leçon : depuis ce jour, nous mettons dans chacune de nos lettres des injures abominables contre le gouvernement ; la lettre n’arrive pas à son adresse, mais l’injure y arrive bien. C’est toujours ça.

La preuve qu’ils ne comprennent pas la république, c’est que, dans leurs belles promesses d’affranchissement universel, ils ont oublié les femmes !… Ils ont affranchi les nègres, qui ne sont pas encore civilisés, et ils laissent dans l’esclavage les femmes, ces docteurs émérites, ces professeurs par excellence en fait de civilisation. Ils ont affranchi tous les domestiques de la maison, les gens à gages ; ils ont décrété que l’uniforme servirait de rechange à la livrée, et ils n’ont pas même songé à affranchir la mère de famille, la maîtresse de la maison : loin de les affranchir, ils les ont annulées. Certes, les femmes ne demandaient point de droits politiques, de droits nouveaux ; mais elles demandaient qu’on respectât du moins leurs droits anciens, qu’on leur laissât ce qui leur appartient légitimement depuis des siècles, l’autorité du foyer, le gouvernement de la demeure ; et elles ne s’aperçoivent qu’on les prive du droit de suffrage que depuis le jour où l’on a octroyé ce même droit aux serviteurs qu’elles payent et à qui elles commandent. Et pas un de ces législateurs improvisés n’a senti cela, que ce don, faussement généreux,