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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 5.djvu/494

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LE VICOMTE DE LAUNAY.

peuple, si aveuglément et si faussement jaloux de lui, que l’être le plus pitoyablement heureux de toute la création est ce pauvre bourgeois, tant détesté pour les voluptés de sa vie. Pourquoi faut-il que tant de coups mortels aient été donnés dans la lutte, que tant de nobles victimes aient succombé pour cette folle cause ? Nous n’osons plus vous en démontrer la vanité et le ridicule ; et cependant, qu’il serait facile de désarmer ces ennemis acharnés en les faisant rire d’eux-mêmes ! C’est un bon moyen de corriger les avares, que de leur prouver que leur plus cher trésor est sans valeur. C’est un bon moyen aussi de corriger les envieux, que de leur enseigner à se moquer de l’objet même de leur envie. Et qu’a-t-il donc de plus que toi, ô peuple ! ce fier bourgeois de Paris que tu poursuis de ta haine ? Il n’a ni châteaux, ni hôtels, ni forêts, ni prairies ; il loue un appartement étroit et triste dans une maison dite de location, c’est-à-dire dans une ruche de plâtre. Là, il ne trouve aucune des douceurs d’une existence aisée : il n’a ni l’espace, ni le jour, ni la vue, ni l’air, ni le repos, ni le mystère, ni le silence. Là, il vit en communauté avec des gens qu’il ne connaît pas ; il ne sait rien d’eux que leurs défauts, il ne sait pas si ses voisins sont honnêtes, charitables, affectueux ; il sait seulement qu’ils sont dissipés et violents, qu’ils ferment les portes avec fracas, qu’ils rentrent tard et qu’ils mangent à leurs repas toutes sortes de mets étranges dont les parfums nauséabonds infectent les corridors. Mais, diras-tu, cet appartement incommode est richement meublé ; si le locataire ne possède pas la maison, il possède le mobilier. — Ah ! c’est le grand mot et toute la question est là ; le véritable trésor du bourgeois de Paris, c’est son mobilier, et c’est pour défendre ce trésor qu’il se fait tuer si bravement. Et toi-même, peuple, c’est pour lui ravir ces merveilles que tu veux l’attaquer ! N’avons-nous pas raison de dire que c’est là une querelle à la fois triste et plaisante ? Mourir pour défendre son mobilier… et quel mobilier !… Un odieux assemblage d’objets informes, représentant le mauvais goût de toutes les époques ; objets sans valeur, sans style, sans art, laids à l’œil, incommodes à l’usage, qui font s’évanouir d’horreur les peintres et les rapins, mais objets chéris du bourgeois, qu’il admire, qu’il a acquis à grand’peine, à force