obligé de quitter que pour en prendre un beaucoup plus agréable ; souvent même c’est un appartement que l’on connaît depuis longtemps, que depuis longtemps on envie, et que l’on n’appelle jamais que l’appartement de madame une telle. On dit pendant un an : « Ah ! si j’avais ce salon-là, je l’arrangerais de telle façon. » Aussi, quand arrive le jour où l’on obtient enfin ce réduit tant désiré, on ne se plaint pas trop des embarras du déménagement. D’ailleurs, ce changement ne trouble en rien vos habitudes : vous n’avez point quitté votre quartier, peut-être même êtes-vous encore dans la même rue ; vous restez près de votre famille, de vos amis, qui s’empressent de venir vous visiter dans votre nouvelle demeure, et de vous donner leurs avis, et ils en donnent parfois de singuliers.
« Moi, dit l’un, à votre place, j’aurais fait de ceci ma chambre à coucher, et de cette pièce-là j’aurais fait un second salon, une sorte de parloir élégant, comme c’est aujourd’hui la mode. — Bien, reprend le patient emménagé, mais alors où logerai-je mon enfant ? — Vous avez donc un enfant ? — Ma femme est grosse de huit mois. — Ah ! je n’avais pas remarqué. — Eh ! mais c’est cela qui nous force à déménager. — Vous m’en direz tant ! — Avec un enfant, mon cher, on ne se permet point le parloir élégant. — Je comprends maintenant pourquoi vous n’avez pas de second salon ; mais vous pourrez avoir un second enfant, par exemple : la chambre est superbe, on y ferait un dortoir. »
« Moi, dit un autre, j’aurais mis cette armoire de Boulle entre les deux fenêtres. — Elle n’y peut pas tenir. — Je vous dis qu’elle y serait à merveille… » L’ami incrédule mesure l’armoire et le trumeau ; la différence est monstrueuse, il s’en faut d’un demi-mètre… « Ah ! vous aviez raison, » dit-il.
Arrive une jeune femme qui se croit excellente musicienne. « Quel meurtre ! s’écrie-t-elle. Un excellent piano d’Érard mis sans pitié dans un courant d’air, entre une porte et une fenêtre ! cela est impardonnable ! — Où donc fallait-il le placer ? — Là. — Eh bien, là il se trouverait entre une fenêtre et deux portes. — C’est donc une porte, ça ? — Oui, madame. — Ah ! je ne l’avais pas vue. »
Survient un élégant rapin, qui se croit un Raphaël parce