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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 6.djvu/270

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Madame de Blossac.

Comment, monsieur, vous ne croyez pas que je sois allée avant-hier matin…

Des Tourbières.

Oh ! je crois que vous êtes sortie de bonne heure… de très-bonne heure… Seulement je ne crois pas à vos vieux pauvres… c’est-à-dire je ne crois pas que les vieux soient pauvres et que les pauvres soient vieux… Ce n’est pas un défaut.

Madame de Blossac.

Vous vous moquez toujours de ma charité, de ma dévotion… Mais votre madame de Clairmont, que vous admirez tant !… elle est aussi dévote et aussi charitable que moi.

Des Tourbières.

Aussi, mais autrement.

Madame de Blossac.

Vous riez de mes sociétés de bienfaisance… Elle en est aussi.

Des Tourbières.

Aussi, et autrement. Elle est dévote pour elle, et vous, vous l’êtes pour les autres.

Madame de Blossac.

Elle va à la messe tous les matins, comme moi.

Des Tourbières.

Elle y va, mais elle ne dit jamais : J’en viens… Tandis que vous, vous dites toujours : J’en viens… et je ne suis pas bien sûr que vous y alliez.

Madame de Blossac indignée, se levant et passant à gauche.

Monsieur, ce ton que vous prenez toujours avec moi est à la fin intolérable !

Des Tourbières.

Oh ! j’en conviens, mademoiselle… (Se reprenant.) madame de Blossac, cela doit être fort ennuyeux, quand on s’est posée en vertu immaculée, d’avoir pour confident un philosophe cynique qui déconcerte toujours le décorum de votre tenue.

Madame de Blossac.

Monsieur !

Des Tourbières.

Un franc mauvais sujet comme moi qui vous rappelle de temps en temps certain secret…