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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 6.djvu/70

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Ni ce perfide Amour, terreur des demoiselles,
Qui pour tout vêtement n’avait que ses deux ailes.
Galathée a perdu le droit de vous charmer ;
Honteuse, elle s’habille… au lieu de s’animer.
Peindre le beau ! fi donc ! Copier la nature !
Ah ! vous avez raison, c’était une imposture
Que de représenter de grands hommes bien faits,
Vous êtes si petits, si maigres et si laids !

Edgar riant.

J’aime cette fureur.

Morin.

J’aime cette fureur.Ma rage te fait rire,
Mais moi je ne ris pas, et mon cœur se déchire
Quand je songe aux affronts dont ils m’ont abreuvé !
Les journaux m’ont proscrit, je suis un réprouvé !
Dans les arts, comme en tout, le journalisme règne.
Ils ont dit que j’étais un grand peintre… d’enseigne,
Que mes tableaux n’avaient ni dessin, ni couleur,
Et bientôt mes tableaux n’auront plus de valeur.
Ils déclarent déjà ma palette caduque ;
Ma crinière d’argent, ils la nomment perruque !
Percé de mille traits, enivré de poison,
Je n’y peux plus tenir… Ah ! j’en perds la raison !

Edgar.

Ne vous affligez pas !

Morin.

Ne vous affligez pas ! À toi j’ose me plaindre,
Ne vous affligez pas ! (Il regarde autour de lui.)
Je te dis mon secret… c’est… je ne peux plus peindre ;
J’ai peur de mes pinceaux, de mes yeux, de mon goût ;
Leurs jugements cruels me poursuivent partout.
Je les entends sans cesse… Ah ! l’Euménide antique,
N’était point le remords… non… c’était la critique.
Fantôme, vision qui me remplit d’effroi,
Je la trouve toujours entre ma toile et moi !

Edgar.

Ah ! calmez-vous, déjà votre destin se change :
Un démon vous poursuit, Dieu vous envoie un ange,
(Montrant Valentine qui vient d’entrer.)
Regardez… tant d’éclat présage un ciel serein.