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FABLE VI

Le Lièvre, ses amis & les deux chevreuils


 
Un lièvre de bon caractère
Vouloit avoir beaucoup d’amis.
Beaucoup ! me direz-vous, c’est une grande affaire,
Un seul est rare en ce pays.
J’en conviens ; mais mon lièvre avoit cette marotte,
Et ne savoit pas qu’Aristote
Disait aux jeunes Grecs, à son école admis :
« Mes amis, il n’est point d’amis. »
Sans cesse il s’occupoit d’obliger & de plaire ;
S’il passoit un lapin, d’un air doux & civil,
Vite il couroit à lui : « Mon cousin, disoit-il.
J’ai du beau serpolet tout près de ma tanière ;
De déjeuner chez moi faites-moi la faveur. »
S’il voyoit un cheval paître dans la campagne,
Il alloit l’aborder : « Peut-être monseigneur
A-t-il besoin de boire ; au pied de la montagne
Je connois un lac transparent
Qui n’est jamais ridé, par le moindre zéphyre :
Si monseigneur veut, dans l’instant
J’aurai l’honneur de l’y conduire. »