Page:Œuvres complètes de Florian, Fauché-Borel, 1793, tome 9 - fables.djvu/188

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ne vouloit, ne savoit rien faire que l’amour.
Je plains bien votre erreur, dit-elle à la fauvette ;
Vous perdez vos plus beaux moments :
Il n’est qu’un seul plaisir, c’est d’avoir des amants,
Dites-moi, s’il vous plaît, quelle est la chansonnette
Qui peut valoir un doux baiser ?
Je me garderois bien d’oser
Les comparer, répondit la chanteuse :
Mais je ne suis pas malbeureuse,
J’ai mis mon bonheur dans mes chants.
À ce discours, la tourterelle,
En se moquant s’éloigna d’elle.
Sans se revoir elles furent dix ans.
Après ce long espace un beau jour de printemps,
Dans la même forêt elles se rencontrèrent.
L’âge avoit bien un peu dérangé leurs attraits ;
Longtemps elles se regardèrent
Avant que de pouvoir se remettre leurs traits.
Enfin la fauvette, polie,
S’avance la première : Eh ! bonjour, mon amie ;
Comment vous portez-vous ? Comment vont les amants ?
— Ah ! ne m’en parlez pas, ma chère :
J’ai tout perdu, plaisirs, amis, beaux ans ;
Tout a passé comme une ombre légère.
J’ai cru que le bonheur étoit d’aimer, de plaire…