Page:Œuvres complètes de Florian, Fauché-Borel, 1793, tome 9 - fables.djvu/94

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Pour rendre heureux l’État, pour en être le père,
 Pour tenir ses sujets, sans trop les alarmer,
         Dans une dépendance entière :
         Ce secret, c’est de les aimer.
 Voilà, pour bien régner, la science suprême ;
 Et, si vous désirez la voir dans votre fils,
         Sire, montrez-la-lui vous-même. »
  Tout le conseil resta muet à cet avis.
Le lion court au chien : « Ami, je te confie
Le bonheur de l’État & celui de ma vie ;
Prends mon fils, sois son maître, &, loin de tout flatteur,
         S’il se peut, va former son cœur. »
Il dit, & le chien part avec le jeune prince.
D’abord à son pupille il persuade bien
Qu’il n’est point lionceau, qu’il n’est qu’un pauvre chien,
Son parent éloigné. De province en province
Il le fait voyager, montrant à ses regards
Les abus du pouvoir, des peuples la misère,
 
Les lièvres, les lapins mangés par les renards,
Les moutons par les loups, les cerfs par la panthère,
    Partout le foible terrassé,
    Le bœuf travaillant sans salaire,
    Et le singe récompensé.
Le jeune lionceau frémissoit de colère.