Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/128

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plus pour qu’on me tînt à l’écart. Cette chère Chalosse ne semble pas comprendre la portée de l’entreprise à laquelle j’ai consacré mes efforts ; sans cela il est probable qu’elle voudrait s’y associer, en accroissant mon influence dans son intérêt. Je ne lui en veux pas ; je l’aime et la servirai jusqu’au bout, quelle que soit son indifférence.

Aujourd’hui j’ai fait mon entrée à l’Institut, on y a discuté la question de l’enseignement. Des universitaires, Cousin en tête, ont accaparé la discussion. Je regrette bien d’avoir laissé à Mugron mon travail sur ce sujet, car je ne vois pas que personne l’envisage à notre point de vue.

Tâche de faire de temps en temps des articles pour entretenir à Bordeaux le feu sacré ; plus tard on en fera sans doute une collection qui sera distribuée à grand nombre d’exemplaires. Dans la prochaine lettre que j’écrirai à ma tante, je mettrai un mot pour te dire ce qu’on a pensé de ton dernier article, à l’assemblée.

J’attends notre ami Daguerre pour être présenté à M. de Lamennais ; j’espère le convertir au free-trade. M. de Lamartine a annoncé son adhésion, ainsi que le bon Béranger ; on fera arriver aussi M. Berryer dès que l’association sera assez fortement constituée pour ne pouvoir pas être détournée par les passions politiques. De même pour Arago ; tu vois que toutes les fortes intelligences de l’époque seront pour nous. On m’a assuré que M. de Broglie accepterait la présidence. J’avoue que je redoute un peu les allures diplomatiques qui doivent être dans ses habitudes. Sa présence ferait sans doute, dès l’abord, un effet prodigieux ; mais il faut voir l’avenir et ne pas se laisser séduire par un éclat momentané.

Paris, le 18 avril 1846.

Mon cher Félix, je suis entièrement privé de tes lettres, il est vrai que je suis moi-même bien négligent. Tu ne pour-