Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/200

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Paris, 29 septembre 1846.

Mon cher ami, je suis allé chez M. de Loménie, il est venu chez moi, et nous ne nous sommes pas encore rencontrés. Mais je le verrai demain et je mettrai à sa disposition tous mes documents et ceux de Fonteyraud. En outre, je lui offrirai ma coopération, soit pour traduire, soit pour donner à son article, au besoin, la couleur d’orthodoxie économique. J’ai très-présent à la mémoire le passage de votre discours de clôture, où vous faites une excursion dans l’avenir, et, de là, montrez à vos auditeurs un horizon plus vaste et plus beau que celui que le Pic du midi a étalé à vos yeux. — Ce discours sera traduit et communiqué à M. de Loménie. Il pourrait bien se servir aussi de votre morceau sur l’émigration, qui est vraiment éloquent. Bref, rapportez-vous-en à moi. — Seulement, je dois vous dire que l’on ne parle guère ici de cette galerie des hommes illustres. On assure que ce genre d’ouvrage est une spéculation sur l’amour-propre des prétendants à l’illustration. Mais peut-être cette insinuation a-t-elle sa source dans des jalousies d’auteurs et d’éditeurs, irritabile genus, la plus vaine espèce d’hommes que je connaisse, après les maîtres d’escrime.

Je reçois à l’instant votre bonne lettre. M’arrivera-t-elle à temps ? J’ai cousu assez naturellement le texte que vous me signalez à mon discours. Comment n’ai-je pas pensé à vous demander vos conseils ? Cela provient sans doute de ce que j’ai la tête pleine d’arguments et me sentais riche. Mais je ne pensais qu’au sujet, et vous me faites penser à l’auditoire. Je comprends maintenant qu’un bon discours doit nous être fourni par l’auditoire plus encore que par le sujet. En repassant le mien dans ma tête, il me semble qu’il n’est pas trop philosophique ; que la science, l’à-propos et la