Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/224

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terre n’a pas adopté la politique qui dérive logiquement du Libre-Échange. Le fera-t-elle ? Je n’en doute pas ; mais quand ? Voilà la question. La position que vous et vos amis prendrez dans le parlement aura une influence immense sur notre entreprise. Si vous désavouez énergiquement votre diplomatie, si vous parvenez à faire réduire vos forces navales, nous serons forts. Sinon, quelle figure ferons-nous devant le public ? Quand nous prédisons que le Libre-Échange entraînera la politique anglaise dans la voie de la justice, de la paix, de l’économie, de l’affranchissement colonial, est-ce que la France est tenue de nous croire sur parole ? Il existe une défiance invétérée contre l’Angleterre, je dirai même un sentiment d’hostilité, aussi ancien que les noms mêmes de Français et d’Anglais. Eh bien, ce sentiment est excusable. Son tort est d’envelopper tous vos partis et tous vos concitoyens dans la même réprobation. Mais les nations ne doivent-elles pas se juger entre elles par leurs actes extérieurs ? On dit souvent qu’il ne faut pas confondre les nations avec leurs gouvernements. Il y a du vrai et du faux dans cette maxime ; et j’ose dire qu’elle est fausse à l’égard des peuples qui ont des moyens constitutionnels de faire prévaloir l’opinion. Considérez que la France n’a pas d’instruction économique. Lors donc qu’elle lit l’histoire, lorsqu’elle y voit les envahissements successifs de l’Angleterre, quand elle étudie les moyens diplomatiques qui ont amené ces envahissements, quand elle voit un système séculaire suivi avec persévérance, soit que les wighs ou les torys tiennent le timon de l’État, quand elle lit dans vos journaux qu’en ce moment l’Angleterre a 34 000 marins à bord des vaisseaux de guerre, comment voulez-vous qu’elle se fie, pour un changement dans votre politique, à la force d’un principe que d’ailleurs elle ne comprend pas ? Il lui faut autre chose ; il lui faut des faits. Rendez donc la liberté commerciale à vos colonies, dé-