Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/334

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trois parts de ton temps, de tes avances et de tes forces, et cultive à la fois des oliviers, du lin et des céréales. » Cet homme aurait probablement de bonnes objections à m’opposer ; mais si j’avais autorité sur lui, j’ajouterais : « Tu ne connais pas tes intérêts ; je te défends, sous peine de me payer une taxe énorme, d’acheter à qui que ce soit de l’huile et du lin. » — Je forcerais bien cet homme à multiplier ses cultures ; mais aurais-je augmenté son bien-être ? Voilà le régime prohibitif. C’est une mauvaise taille appliquée à l’arbre industriel, laquelle, sans rien ajouter à sa sève, la détourne des boutons à fruit pour la porter aux branches gourmandes.

Ainsi la protection favorise, sous chaque zone, la production de la valeur consommable, mais elle décourage, dans la même mesure, celle de la valeur échangeable, d’où il faut rigoureusement conclure, et c’est ce qui me ramène à la détresse de la viticulture en France, que les tarifs protecteurs ne sauraient provoquer la production de certains objets que nous tirions du dehors, sans restreindre les industries qui nous fournissaient des moyens d’échange, c’est-à-dire, sans appeler la gêne et la souffrance sur le travail le plus en harmonie avec le climat, le sol et le génie des habitants.

Et, Messieurs, les faits ne viennent-ils pas encore ici attester énergiquement la rigueur de ces déductions ? Que se passe-t-il des deux côtés de la Manche ? Au delà, chez ce peuple que la nature a doté, avec tant de profusion, de tous les éléments et de toutes les facultés que réclame le développement de l’industrie manufacturière, c’est précisément la population des ateliers qui est dévorée par la misère, le dénûment et l’inanition. Le langage n’a pas d’expressions pour décrire une telle détresse ; la bienfaisance est impuissante à la soulager ; les lois sont sans force pour réprimer les désordres qu’elle enfante.