Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/338

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teurs et les consommateurs de haut parage. Le droit proportionnel à la valeur fera entrer en communauté d’intérêts les masses populaires de toutes les nations.

Cependant la France ne pouvait prétendre à de tels avantages sans ouvrir son marché à quelques-uns des produits de l’industrie anglaise. Le traité devait donc trouver de la résistance parmi les fabricants. Elle ne tarda pas à se manifester habile, persévérante, désespérée ; les producteurs de houilles, de fers, de tissus firent entendre leurs doléances et ne se bornèrent pas à cette opposition passive. Des associations, des comités s’organisèrent au sein de chaque industrie ; des délégués permanents reçurent mission de faire prévaloir, auprès des ministères et des chambres, les intérêts privilégiés ; d’abondantes et régulières cotisations assurèrent à cette cause le concours des journaux les plus répandus, et par leur organe, la sympathie de l’opinion publique égarée. Il ne suffisait pas de faire échouer momentanément la conclusion du traité ; il fallait le rendre impossible, même au risque d’une conflagration générale, et pour cela s’attacher à irriter incessamment l’orgueil patriotique, cette fibre si sensible des cœurs français. Aussi les a-t-on vus, depuis cette époque, exploiter avec un infernal machiavélisme tous les germes longtemps inertes des jalousies nationales, et réussir enfin à faire échouer toutes les négociations ouvertes avec l’Angleterre.

Peu de temps après, les gouvernements de France et de Belgique conçurent la pensée d’une fusion entre les intérêts économiques des deux peuples. Ce fut encore un sujet d’espérances pour l’industrie méridionale, d’alarmes pour le monopole manufacturier. Cette fois les chances n’étaient pas favorables au monopole ; il avait contre lui l’intérêt des masses, celui des industries souffrantes, l’influence du pouvoir, et tous les instincts populaires, prompts à voir dans l’union douanière le prélude et le gage d’une alliance plus