Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/471

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la charité, mis la misère hors la loi, maudit l’excès de la population, interdit les mariages, conseillé la stérilité, fermé les tours des enfants trouvés, et qui, livrant tout sans miséricorde et sans entrailles à la concurrence, cette providence de l’égoïsme, a dit aux prolétaires : « Travaillez. — Mais nous ne trouvons pas de travail. — Eh bien ! mourez. Si vous ne rapportez rien, vous n’avez pas le droit de vivre ; la société est un compte bien fait. »

« Il y a une autre école qui est née en France, dans ces dernières années, des souffrances du prolétaire, des égoïsmes du manufacturier, de la dureté du capitaliste, de l’agitation des temps, des souvenirs de la Convention, des entrailles de la philanthropie et des rêves anticipés d’une époque entièrement idéale. C’est celle qui, prophétisant aux masses l’avènement du Christ industriel (Fourier), les appelle à la religion de l’association, substitue ce principe de l’association par le travail à tous les autres principes, à tous les autres instincts, à tous les autres sentiments dont Dieu a pétri la nature humaine, croit avoir trouvé le moyen d’organiser le travail sans intervertir les rapports libres du producteur et du consommateur, de violenter le capital sans l’anéantir, de régler les salaires et de les distribuer arbitrairement avec l’infaillibilité et la toute-justice de Dieu. Cette école, qui compte parmi ses maîtres et ses adeptes tant d’hommes de lumière et de foi, porte en soi deux grands trésors : un principe, l’association ; une vertu, la charité des masses. Mais elle nous semble pousser son principe jusqu’à l’excès et la vertu jusqu’à la chimère. Le fouriérisme est jusqu’ici une sublime exagération de l’espérance. — Nous n’appartenons ni à l’une ni à l’autre de ces écoles. Nous les croyons toutes deux dans le faux. Mais l’une manque d’âme, et l’autre manque seulement de mesure dans la passion du bien. Nous faisons entre elles la différence qu’il y a entre