Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/56

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des chapitres inachevés, de les faire suivre de points suspensifs…

Comme je lui demandais à emporter dans ma chambre quelques liasses pour les lire attentivement et à loisir, il me répondit en ces termes : « Prenez tout ; il faut que vous emportiez tout à Paris. Si je ressuscite, vous me les rendrez. »

… Le docteur Lacauchie le trouve dans un état tel qu’il serait imprudent de ne pas lui donner de garde pendant la nuit.

Après notre dîner, l’abbé et moi nous revînmes pour le décider à recevoir une garde qui allait lui être envoyée. Il résista et ne voulut pas qu’elle commençât son service, au moins pour cette nuit.

23 décembre 1850 (lundi).

Le temps est beau, mais frais. Le pauvre malade est encore plus faible que la veille. Il me parle de la seconde édition de ses Harmonies, et pense qu’il faudrait comprendre dans le premier volume, comme se rattachant intimement au chapitre de la Concurrence, un autre chapitre intitulé Production et Consommation… Après l’avoir dissuadé de sortir, à cause de la vivacité du vent qui souffle du nord, l’abbé et moi, voyant que le soleil échauffe l’atmosphère de ses rayons, nous nous rendons à son désir et entreprenons avec lui une promenade en voiture fermée.

… La durée de notre promenade avait été de 2 heures 1/2. Au seuil de la porte, l’abbé et moi voulûmes le prendre sur nos bras, pour lui éviter la fatigue de l’ascension. Mais il s’y refusa avec opiniâtreté, et, pendant que je payais le cocher, se mit à grimper au premier étage. Arrivé sur le palier, il s’assit un instant sur une chaise que lui présentait son hôtesse, puis, ayant repris haleine, il monta le second étage. « Je suis bien aise, nous dit-il en manière de justification de son imprudence, d’avoir pu constater que je pouvais faire aujourd’hui ce que j’ai fait hier. » À partir de ce moment, je pus observer qu’il s’attachait de plus en plus à l’idée d’un retour en France. Ce voyage devint sa constante préoccupation.

Vers quatre heures arriva l’ambassadeur, M. de Rayneval.