Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/132

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D’un autre côté, l’Atelier voudra bien reconnaître qu’en fait les mesures répressives, et plus encore les mesures préventives, sont inséparables de dépenses, d’impôts, d’une certaine dose de vexations, de dérangements, d’arbitraire même, et qu’après tout la force publique n’acquiert pas certains développements sans devenir elle-même un danger.

Dans chaque cas particulier, il y a donc ce calcul à faire : les inconvénients inséparables des mesures préventives et répressives sont-ils plus grands que les inconvénients de l’abus qu’il s’agit de prévenir ou de réprimer ?

Ceci ne touche pas au droit de la communauté agissant collectivement, c’est une question d’opportunité, de convenance et non de principe. Elle se résout par la statistique et l’expérience et non par la théorie du droit.

Or, il arrive, et c’est sur ce point que nous appelons l’attention du lecteur, qu’il y a beaucoup d’abus qui portent en eux-mêmes, par une admirable dispensation providentielle, une telle force de répression et de prévention, que la prévention et la répression gouvernementales n’y ajoutent presque rien, et ne se manifestent dès lors que par leurs inconvénients.

Telle est, par exemple, la paresse. Certainement, il serait à désirer qu’il n’y eût pas de paresseux au monde. Mais si le Gouvernement voulait extirper ce vice, il serait forcé de pénétrer dans les familles, de surveiller incessamment les actions individuelles, de multiplier à l’infini le nombre de ses agents, d’ouvrir la porte à un arbitraire inévitable ; en sorte que ce qu’il ajouterait à l’activité nationale pourrait bien n’être pas une compensation suffisante des maux sans nombre dont il accablerait les citoyens, y compris ceux qui n’ont pas besoin, pour être laborieux, de cette intervention. (V. Harmonies, chap. xx.)