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LE LIBRE-ÉCHANGE

La Presse[1] nous disait ces jours-ci que si elle croyait, comme nous, le régime protecteur injuste et funeste, elle réclamerait la liberté immédiate. Nous l’engageons à faire l’application de ce puritanisme à la question de l’esclavage.

Partisans de l’affranchissement du commerce, si le sentiment de la justice entre pour quelque chose dans vos convictions, levez courageusement le drapeau du Libre-Échange. Ne cherchez pas de détours ; n’essayez pas de surprendre nos adversaires. Ne cherchez point un succès partiel et éphémère par d’inconséquentes transactions. — Ne vous privez pas de tout ce qu’il y a de force dans un principe, qui trouvera tôt ou tard le chemin des intelligences et des cœurs. On vous dira que le pays repousse les abstractions, les généralités, qu’il veut de l’actuel et du positif, qu’il reste sourd à toute idée qui ne s’exprime pas en chiffres. Ne vous rendez pas complice de cette calomnie. La France se passionne pour les principes et aime à les propager. C’est le privilége de sa langue, de sa littérature et de son génie.

La lassitude même dont elle donne au monde le triste spectacle en est la preuve ; car si elle se montre fatiguée des luttes de parti, c’est qu’elle sent bien qu’il n’y a rien derrière que des noms propres. Plutôt que de renoncer aux idées générales, on la verrait s’engouer des systèmes les plus bizarres. N’espérez pas qu’elle se réveille pour une modification accidentelle du tarif. L’aliment qu’il faut à son activité, c’est un principe qui renferme en lui-même tout ce qui, depuis des siècles, a fait battre son cœur. La liberté du commerce, les libres relations des peuples, la libre circulation des choses, des hommes et des idées, la libre disposition pour chacun du fruit de son travail, l’égalité de tous devant la loi, l’extinction des animosités nationales, la paix des nations assurée par leur mutuelle solida-

  1. À cette époque, le journal la Presse n’était pas encore converti au principe de la liberté. (Note de l’éditeur.)