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LE LIBRE-ÉCHANGE

ici comme l’expression la plus énergique et la plus juste de ma propre pensée

Oui, l’homme naît propriétaire, c’est-à-dire que la propriété est le résultat de son organisation.

On naît propriétaire, car on naît avec des besoins auxquels il faut absolument pourvoir pour se développer, pour se perfectionner et même pour vivre ; et on naît aussi avec un ensemble de facultés coordonnées à ces besoins.

On naît donc avec la propriété de sa personne et de ses facultés. C’est donc la propriété de la personne qui entraîne la propriété des choses, et c’est la propriété des facultés qui entraîne celle de leur produit.

Il résulte de là que la propriété est aussi naturelle que l’existence même de l’homme.

Cela est-il vrai qu’on en voit les rudiments chez les animaux eux-mêmes ; car, en tant qu’il y a de l’analogie entre leurs besoins et leurs facultés et les nôtres, il doit en exister dans les conséquences nécessaires de ces facultés et de ces besoins.

Quand l’hirondelle a butiné des brins de paille et de mousse, qu’elle les a cimentés avec un peu de boue et qu’elle en a construit un nid, on ne voit pas ses compagnes lui ravir le fruit de son travail.

Chez les sauvages aussi, la propriété est reconnue. Quand un homme a pris quelques branches d’arbre, quand il a façonné ces branches en arcs ou en flèches, quand il a consacré à ce travail un temps dérobé à des occupations plus immédiatement utiles, quand il s’est imposé des privations pour arriver à se munir d’armes, toute la tribu reconnaît que ces armes sont sa propriété ; et le bon sens dit que, puisqu’elles doivent servir à quelqu’un et produire une utilité, il est bien naturel que ce soit à celui qui s’est donné la peine de les fabriquer. Un homme plus fort peut certainement les ravir, mais ce n’est pas sans soulever l’in-