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LE LIBRE-ÉCHANGE

nécessité qui soumet les hommes à recevoir des services en échange de ceux qu’ils rendent, et, pour trancher le mot, à travailler en vue d’une rémunération, M. Blanc imagine tout un système de rémunération. Seulement il veut qu’elle soit nationale et non individuelle. Je n’examinerai pas le système de M. Blanc, qui me paraît susceptible de beaucoup d’objections. Mais est-il certain que les écrivains conserveront plus de dignité quand la brigue et les sollicitations seront le chemin des récompenses ? (Rires.)

Je suis d’accord avec M. Blanc que, dans l’état actuel des choses, les livres amusants, dangereux, quelquefois corrupteurs, et toujours faits à la hâte, sont plus lucratifs que les grands et sérieux ouvrages, qui ont exigé beaucoup de travaux et de veilles. Mais pourquoi ? parce que le public demande ces livres ; on lui sert ce qu’il veut. Il en est ainsi de toutes les productions. Partout où les masses sont disposées à faire des sacrifices pour obtenir une chose, cette chose se fait ; il se trouve toujours des gens qui la font. Ce ne sont pas des mesures législatives qui corrigeront cela, c’est le perfectionnement des mœurs. En toutes choses, il n’y a de ressource que dans le progrès de l’opinion publique[1].

On dira que c’est un cercle vicieux, puisque les mauvais livres ne font que corrompre de plus en plus les masses et l’opinion ; je ne le crois pas. Je suis convaincu qu’il y a des natures d’ouvrages que le temps décrédite.

Au reste, il me semble que la propriété littéraire est un obstacle à ce danger. N’est-il pas évident que plus l’usufruit est restreint, plus il y a intérêt à écrire vite, à abonder dans le sens de la vogue ?

Quant au désintéressement dont M. Blanc parle en termes chaleureux, et, je puis le dire, pleins d’élévation et d’élo-

  1. V. la même conclusion aux pages 140 et 144 du tome IV. (Note de l’éditeur.)