Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/376

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tection et Non-Protection sont arrangées de la belle manière. Vraiment, monsieur, la tête m’en tourne.

Vo solcando un mar crudele
Senza vele
E senza sarte.

Orient et Occident, Zénith et Nadir, tout se confond dans ma tête, et je n’ai pas la plus petite boussole pour me reconnaître au milieu de ce dédale. Ceci me rappelle la triste position où je me suis trouvé il y a quelques années.

— Contez-moi cela, je vous prie.

— Nous chassions, Eugène et moi, entre Bordeaux et Bayonne, dans ces vastes landes où rien, ni arbres ni clochers, n’arrête le regard. La brume était épaisse. Nous fîmes tant de tours et de détours à la poursuite d’un lièvre, qu’enfin…

— Vous le prîtes ?

— Non, ce fut lui qui nous prit, car le drôle parvint à nous désorienter complétement. Le soir une route ignorée se présente à nous. À ma grande surprise, Eugène et moi nous nous tournons le dos. Où vas-tu, lui dis-je ? — À Bayonne. — Mais tu prends la direction de Bordeaux. — Tu te moques, le vent est Nord et il nous glace les épaules. — C’est qu’il souffle du Sud. — Mais ce matin le soleil s’est levé là. — Non, il a paru ici. — Ne vois-tu pas devant nous les Pyrénées ? — Ce sont des nuages qui bordent la mer. Bref, jamais nous ne pûmes nous entendre.

— Comment cela finit-il ?

— Nous nous assîmes au bord du chemin, attendant qu’un passant nous tirât de peine. Bientôt un voyageur se présente : Monsieur, lui dis-je, voici mon ami qui prétend que Bayonne est à gauche, et je soutiens qu’il est à droite. — Mes beaux Messieurs, répondit-il, vous avez, chacun de vous, un peu tort et un peu raison. Gardez-vous des idées arrêtées et des systèmes absolus. Bonsoir ! — Et il partit.