Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/390

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à la rendre de plus en plus invincible, et, en outre, à la populariser ; si bien qu’aujourd’hui, dans le pays où s’est passée la chose, la protection n’a plus de partisans.

On me demandera peut-être pourquoi je ne cite pas le nom de l’auteur ? Parce que mon maître de philosophie m’a appris que cela met quelquefois en péril l’effet de la citation[1].

Il nous dictait un cours parsemé de passages dont quelques-uns étaient empruntés à Voltaire et à Rousseau, invariablement précédés de cette formule : « Un célèbre auteur a dit, etc. » Comme il s’était glissé quelques éditions de ces malencontreux écrivains dans le collége, nous savions fort bien à quoi nous en tenir. Aussi nous ne manquions jamais, en récitant, de remplacer la formule par ces mots : Rousseau a dit, Voltaire a dit. — Mais aussitôt le pédagogue, levant les mains au ciel, s’écriait : « Ne citez pas, l’ami B… ; apprenez que beaucoup de gens admireront la phrase qui la trouveraient détestable s’ils savaient d’où elle est tirée. » C’était le temps où régnait une opinion qui détermina notre grand chansonnier, je devrais dire notre grand poëte, à mettre au jour ce refrain :


C’est la faute de Voltaire,
C’est la faute de Rousseau.


Supprimant donc le nom de l’auteur et la forme algébrique, je reproduirai l’argument qui se borne à établir que toute faveur du tarif entraîne nécessairement :

1o Un profit pour une industrie ;

2o Une perte égale pour une autre industrie ;

3o Une perte égale pour le consommateur.

Ce sont là les effets directs et nécessaires de la protection.

  1. Le nom que l’auteur ne cite pas est celui d’un membre éminent de la ligue anglaise, le colonel Perronnet Thompson. Voir tome III, page 89, 218 et 282 (Note de l’éditeur.)