Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/263

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Que voulez-vous ? disait-il, je ne puis croire qu’à raison de 80 liv. sterl. par an, tandis que mon évêque croit sur le taux de 15,000 livres. (Éclats de rires.) C’est ainsi que, dans leurs meetings, les landlords font montre envers les ouvriers d’un amour de 50 et 80,000 livres par an, mais ceux-ci ne peuvent les payer de retour que sur le pied de 7 à 8 shillings par semaine. (Rires prolongés…) Mais quand donc a commencé cet amour ? Quelle est l’histoire de cette tendresse ardente et passionnée de l’aristocratie pour l’habitant des campagnes ? Dans quel siècle est-elle née ? Est-ce dans les temps reculés où le vieux cultivateur était tenu de dénoncer sur son bail le nombre d’attelages de bœufs et le nombre d’attelages d’hommes ? Lorsque l’on engraissait les esclaves dans ce pays pour les vendre en Irlande, jusqu’à ce qu’il y eût sur le marché engorgement de ce genre de produits ? Est-ce dans le quatorzième siècle, lorsque la peste ayant dépeuplé les campagnes, et que le manque de bras eût pu élever le taux de la main-d’œuvre, l’aristocratie décréta le Code des ouvriers, — loi dont on a fait l’éloge de nos jours, — qui ordonnait que les ouvriers seraient forcés de travailler sous le fouet et sans augmentation de salaires ? Est-ce dans le quinzième siècle, quand la loi voulait que celui qui avait été cultivateur douze ans, fût pour le reste de sa vie attaché aux manches de sa charrue, sans qu’il pût même faire apprendre un métier à son fils, de peur que le maître du sol ne perdît les services d’un de ses serfs ? Est-ce dans le seizième siècle, quand un landlord pouvait s’emparer des vagabonds, les forcer au travail, les réduire en esclavage et même les marquer, afin qu’ils fussent reconnus partout comme sa propriété ? Est-ce à l’époque plus récente qui a précédé immédiatement la naissance de l’industrie manufacturière, période pendant laquelle les salaires, mesurés en froment, baissèrent de moitié, tandis que le prix de ce même froment haussa du double et plus encore ? Est-ce dans les temps postérieurs, sous l’ancienne ou la nouvelle loi des pauvres, qui, tantôt assujettissait l’ouvrier à la dégradation de recevoir de la paroisse, à titre d’aumône, un salaire honnêtement gagné, tantôt lui disait : Tu arrives trop tard au banquet de la nature, il n’y a pas de couvert pour toi ; sois indé-