Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/318

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clavage, en abaissant assez le prix des produits pour le rendre onéreux.


Et maintenant, continue-t-il, j’adjure les abolitionnistes de faire ce que font les free-traders, d’avoir foi dans leurs propres principes (applaudissements), de se confier, à travers les difficultés de la route, à la puissance de la vérité. Comme free-traders, nous ne demandons pas l’admission du sucre-esclave, parce que nous préférons le travail de l’esclave à celui de l’homme libre, mais parce que nous nous opposons à ce qu’un injuste monopole soit infligé au peuple d’Angleterre, sous le prétexte d’abolir l’esclavage. Nous nions que ce soit là un moyen loyal et efficace d’atteindre ce but. Bien au contraire, c’est assujettir le peuple de la Grande-Bretagne à un genre d’oppression et d’extorsion qui n’est dépassé en iniquité que par l’esclavage lui-même. Nous soutenons, avec la Convention des abolitionnistes (anti-slavery convention), que le libre travail, mis en concurrence avec le travail esclave, ressortira moins cher, sera plus productif, qu’il l’étouffera à la fin, à force de rendre onéreux au planteur l’affreux système de retenir ses frères en servitude. (Applaudissements.) Eh quoi ! ne serait-ce point une chose monstrueuse que, dans la disposition du gouvernement moral de ce monde, les choses fussent arrangées de telle sorte que l’homme fût rémunéré pour avoir exercé l’injustice envers son semblable! L’abondance et le bon marché : voilà les récompenses promises dès le commencement à ceux qui suivent le droit sentier. Mais si un meilleur marché, une plus grande abondance, sont le partage de celui qui s’empare de son frère et le force au travail sous le fouet, plutôt que de celui qui offre une loyale récompense à l’ouvrier volontaire ; s’il en est ainsi, je dis que cela bouleverse toutes les notions que nous nous faisions du juste, et que c’est en contradiction avec ce que nous croyons du gouvernement moral de l’univers. (Bruyants applaudissements.) Si donc il est dans la destinée de la libre concurrence de renverser l’esclavage, je demande aux abolitionnistes qui ont proclamé cette vérité, comment ils peuvent aujourd’hui, en restant conséquents