Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/432

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temple élevé à l’indépendance, à la justice, en un mot aux principes du libre-commerce, et ce lieu est à jamais mémorable dans les fastes de la lutte du monopole et du libre-commerce ; car, à l’endroit même où je parle, il y a un quart de siècle, vos concitoyens furent attaqués par une soldatesque lâche et brutale, et l’on vit couler le sang d’hommes inoffensifs et de faibles femmes qui s’étaient réunis pour protester contre l’iniquité des lois-céréales. (Écoutez ! écoutez !) Deux choses qui se lient à ce sujet frappent mon esprit en ce moment. La première c’est que l’objet et la tendance de toutes les lois-céréales qui se sont succédé ont été les mêmes, à savoir : spolier les classes industrieuses par la famine artificielle ; enrichir les grands propriétaires du sol, ceux qui se disent la noblesse de la terre. (Bruyants applaudissements.) Lorsque la loi fut adoptée en 1815, elle avait pour objet de fixer le prix du froment à 80 sh. le quarter. Ce prix est maintenant à 40 sh. ou un peu plus de moitié. Or, nous sommes convaincus que 80 sh. c’est un prix de famine. C’était donc un prix de famine que la loi entendait rendre permanent. Il est vrai que, depuis cette époque, deux années seulement ont vu le blé à 80 sh. En 1817 et 1818, le prix de famine légale fut atteint, et ce furent deux années d’effroyable détresse, de mécontentement, où l’insurrection faillit éclater dans tous les districts populeux du royaume. Mais la loi entendait bien que le prix de famine fût maintenu, non point pendant deux ans, mais à toujours, aussi longtemps qu’elle existerait elle-même. Les vues de ses promoteurs leur objet avoué, n’avaient d’autre limite que celle-ci : approcher toujours du prix autant que cela sera compatible avec notre sécurité. (Buyantes acclamations.) Arracher à l’industrie tout ce qu’elle voudra se laisser arracher tranquillement. (Écoutez !) Ne craignez pas d’affamer quelques pauvres ; ils descendront prématurément dans la tombe, et leur voix ne se fera plus entendre au milieu des dissensions des partis et des luttes que suscite la soif de la puissance politique. (Nouvelles acclamations.) Oh ! cette loi est sans pitié ! et ses promoteurs furent sans pitié. — Nous avons eu des périodes où le pays était comparativement affranchi de sa détresse habituelle ; nous traversons maintenant un de ces