Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/450

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pouvoir en déguisant leurs véritables opinions, notamment à l’égard des lois-céréales. Et comme, à cette époque, la saison devenue pluvieuse faisait naître des inquiétudes sur la récolte, l’orateur en prit texte pour accuser le ministère d’ajouter, en matière de subsistances, à une incertitude naturelle une incertitude artificielle, qui doublait l’ardeur des spéculations hasardeuses, au grand détriment du pays. Il rappela qu’un membre connu par son dévouement ministériel avait déclaré publiquement, depuis peu de jours, que la loi-céréale n’aurait probablement plus que deux ans de durée. S’il en est ainsi, ajouta-t-il, si cette loi doit être abolie, pourquoi nous laisse-t-on dans une incertitude pleine de périls et de malheurs ? — À cela sir James Graham répliqua seulement par un argument ad hominem. « Est-ce que le noble lord, qui était au pouvoir en 1839, dans des circonstances bien autrement alarmantes pour le bien-être du pays, se crut obligé de proposer comme un remède à cette triste situation l’abolition des lois-céréales ? Non, il ne fit rien de semblable ni en 1839, ni en 1840, ni en 1841. » — L’argument était sans force contre les libres-échangistes. Ceux-ci, par l’organe de MM. Villiers et Gibson, renouvelèrent les protestations les plus chaleureuses contre l’inique monopole des landlords. — Bientôt il fut reconnu que ce monopole avait rencontré un ennemi des plus redoutables dans le caprice des saisons. À la suite d’un été pluvieux, il fut constaté de la manière la plus certaine, vers le milieu d’octobre, que la récolte en blé était insuffisante en quantité comme en qualité, et que la récolte en pommes de terre était presque entièrement perdue. Alors un cri en faveur de la libre entrée des grains étrangers s’éleva dans toute l’Angleterre, cri devant lequel les protectionnistes les moins endurcis commencèrent à lâcher pied, tandis qu’il doubla l’énergie des ligueurs. Dans un meeting tenu le 28 octobre à Manchester, l’un des orateurs, M. Henry Ashworth, de Turton, prononça ces paroles : « Je vois autour de moi nos dignes chefs, sur le front desquels la lutte des sept dernières