Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/47

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mouvante, tient ses séances en public dans toutes les villes et tous les comtés de la Grande-Bretagne. Il semble d’ailleurs que celui qui dirige les événements humains a ménagé à la Ligue des moyens inattendus de succès. La réforme postale lui permet d’entretenir, avec les comités électoraux qu’elle a fondés dans tout le pays, une correspondance qui comprend annuellement plus de 300,000 dépêches ; les chemins de fer impriment à ses mouvements un caractère d’ubiquité, et l’on voit les mêmes hommes qui ont agité le matin à Liverpool agiter le soir à Edimbourg ou à Glasgow ; enfin la réforme électorale a ouvert à la classe moyenne les portes du Parlement, et les fondateurs de la Ligue, les Cobden, les Bright, les Gibson, les Villiers, sont admis à combattre le monopole, en face des monopoleurs et dans l’enceinte même où il fut décrété. Ils entrent dans la Chambre des communes, et ils y forment, en dehors des Whigs et des Torys, un parti, si l’on peut lui donner ce nom, qui n’a pas de précédents dans les annales des peuples constitutionnels, un parti décidé à ne sacrifier jamais la vérité absolue, la justice absolue, les principes absolus aux questions de personnes, aux combinaisons, à la stratégie des ministères et des oppositions.

Mais il ne suffisait pas de rallier les classes sociales sur qui pèse directement le monopole ; il fallait encore dessiller les yeux de celles qui croient sincèrement leur bien-être et même leur existence attachés au système de la protection. M. Cobden entreprend cette rude et périlleuse tâche. Dans l’espace de deux mois, il provoque quarante meetings au sein même des populations agricoles. Là, entouré souvent de milliers de laboureurs et de fermiers, parmi lesquels on pense bien que se sont glissés, à l’instigation des intérêts menacés, bien des agents de désordre, il déploie un courage, un sang-froid, une habileté, une éloquence, qui excitent l’étonnement, si ce n’est la sympa-