Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/470

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aux monopoleurs de faire alliance avec les partis mécontents ; qu’ils nous créeraient tous les obstacles d’une impopularité factice et qu’ils iraient au besoin jusqu’à élever contre nous ce cri : Vous êtes les agents de Pitt et de Cobourg. Il faudrait que nous n’eussions jamais ouvert un livre d’histoire, si nous ne savions que le privilége ne succombe jamais sans avoir épuisé tous les moyens de vivre.

Mais nous avions foi dans la vérité. Nous étions convaincus, comme nous le sommes encore, qu’il n’y a pas une Angleterre, mais deux Angleterre. Il y a l’Angleterre oligarchique et monopoliste, celle qui a infligé tant de maux au monde, exercé et étendu partout une injuste domination, celle qui a fait l’acte de navigation, celle qui a fait la loi-céréale, celle qui a fait de l’Église établie une institution politique, celle qui a fait la guerre à l’indépendance des États-Unis, celle qui a d’abord exaspéré et ensuite combattu à outrance la révolution française, et accumulé, en définitive, des maux sans nombre, non-seulement sur tous les peuples, mais sur le peuple anglais lui-même. — Et nous disons que, s’il y a des Français qui manquent de patriotisme, ce sont ceux qui sympathisent avec cette Angleterre.

Il y a ensuite l’Angleterre démocratique et laborieuse, celle qui a besoin d’ordre, de paix et de liberté, celle qui a besoin pour prospérer que tous les peuples prospèrent, celle qui a renversé la loi-céréale, celle qui s’apprête à renverser la loi de navigation, celle qui sape le système colonial, cause de tant de guerres, celle qui a obtenu le bill de la réforme, celle qui a obtenu l’émancipation catholique, celle qui demande l’abolition des substitutions, cette clef de voûte de l’édifice oligarchique, celle qui applaudit, en 1787, à l’acte par lequel l’Amérique proclama son indépendance, celle qu’il fallut sabrer dans les rues de Londres avant de faire la guerre de 1792, celle qui, en 1830, renversa les torys