Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/493

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sexes de Brigthon, — craignent qu’on ne vienne les arracher de leurs lits (rires), pourquoi ne rappelle-t-on pas la flotte qui est dans le Tage pour la faire croiser dans la Manche ? (Applaudissements.) Je ne suis pas marin ; mais je crois qu’aucun marin ne me démentira, si je dis qu’il vaudrait mieux pour nos équipages qu’ils naviguassent dans la Manche, que de croupir à Lisbonne dans la paresse et la démoralisation.

Nous avons des navires de guerre qui vont de Portsmouth directement à Malte, car Malte est le grand hôpital de notre marine. (Applaudissements prolongés.) Je me trouvais à Malte au commencement de l’hiver, au mois de novembre. Pendant mon séjour, un de nos vaisseaux de ligne arriva de Portsmouth ; il entra dans le port de Valette et il y demeura pendant que j’allai de Malte à Naples, et de là en Grèce et en Égypte ; il y était encore quand je retournai à Malte. Les principaux officiers étaient sur la côte, où ils vivaient dans les clubs, et le reste de l’équipage avait toutes les peines du monde à se créer l’apparence d’une occupation utile, en hissant et en abaissant alternativement les voiles et en nettoyant le pont. (Éclats de rire.) Je fus introduit chez le consul américain, qui m’entretint beaucoup de notre marine. Il me dit : « Nous autres Américains, nous regardons votre marine comme très-molle. — Qu’entendez-vous par molle ? — Oh! répliqua-t-il, les équipages de vos navires sont trop paresseux ; ils n’ont rien à faire. Vous ne pouvez espérer d’avoir de bons équipages si vos navires séjournent pendant de longs mois dans le port. Nous autres Américains, nous n’avons jamais plus de trois navires dans la Méditerranée, et un seul de ces trois navires est plus considérable qu’une frégate ; mais les instructions de notre gouvernement sont que les navires américains ne doivent jamais séjourner dans un port, qu’ils doivent traverser constamment la Méditerranée dans l’un ou l’autre sens ; visiter tantôt un port, tantôt un autre, et donner la chasse aux pirates quand il s’en montre. Nos navires sont toujours en mouvement, et il en résulte que leur discipline est meilleure que celle des navires anglais, dont les équipages demeurent dans un état de perpétuelle oisiveté. » (Mouvement.)