Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/70

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lisme trompe le public ; je crois sincèrement en savoir la cause, et, advienne que pourra, ma conscience me dit que je ne dois pas me taire.

Dans un pays où ne règne pas l’esprit d’association, où les hommes n’ont ni la faculté, ni l’habitude, ni peut-être le désir de s’assembler pour discuter au grand jour leurs communs intérêts, les journaux, quoi qu’on en puisse dire, ne sont pas les organes mais les promoteurs de l’opinion publique. Il n’y a que deux choses en France, des individualités isolées, sans relations, sans connexion entre elles, et une grande voix, la presse, qui retentit incessamment à leurs oreilles. Elle est la personnification de la critique, mais ne peut être critiquée. Comment l’opinion lui servirait-elle de frein, puisqu’elle fait règle, et régente elle-même l’opinion ? En Angleterre, les journaux sont les commentateurs, les rapporteurs, les véhicules d’idées, de sentiments, de passions qui s’élaborent dans les meetings de Conciliation-Hall, de Covent-Garden et d’Exeter-Hall. Mais ici, où ils dirigent l’esprit public, la seule chance qui nous reste de voir à la longue l’erreur succomber et la vérité triompher, c’est la contradiction qui existe entre les journaux eux-mêmes et le contrôle réciproque qu’ils exercent les uns sur les autres.

On conçoit donc que, s’il était une question entre toutes que les journaux de tous les partis eussent intérêt à représenter sous un faux jour, ou même à couvrir de silence ; on conçoit, dis-je, que, dans l’état actuel de nos mœurs et de nos moyens d’investigation, ils pourraient, sans trop de témérité, entreprendre d’égarer complétement l’opinion publique sur cette question spéciale. — Qu’aurez-vous à opposer à cette ligue nouvelle ? — Arrivez-vous de Londres ? Voulez-vous raconter ce que vous avez vu et entendu ? Les journaux vous fermeront leurs colonnes. Prendrez-vous le parti de faire un livre ? Ils le décrieront, ou,