Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/73

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dans cette vue : évacuation d’Ancône, affaires d’Orient, droit de visite, Taïti, Maroc, tout leur a été bon. « Que les peuples se haïssent, a dit le monopole, qu’ils s’ignorent, qu’ils se repoussent, qu’ils s’irritent, qu’ils s’entr’égorgent, et, quel que soit le sort des doctrines, mon règne est pour longtemps assuré ! »

Il n’est pas difficile de pénétrer les secrets motifs qui rangent les journaux dits de l’opposition parlementaire parmi les adversaires de l’union et de la libre communication des peuples.

D’après notre constitution, les contrôleurs des ministres deviennent ministres eux-mêmes, s’ils donnent à ce contrôle assez de violence et de popularité pour avilir et renverser ceux qu’ils aspirent à remplacer. Quoi qu’on puisse penser, à d’autres égards, d’une telle organisation, on conviendra du moins qu’elle est merveilleusement propre à envenimer la lutte des partis pour la possession du pouvoir. Les députés candidats au ministère ne peuvent guère avoir qu’une pensée, et cette pensée le bon sens public l’exprime d’une manière triviale mais énergique : « Ôte-toi de là, que je m’y mette. » On conçoit que cette opposition personnelle établit naturellement le centre de ses opérations sur le terrain des questions extérieures. On ne peut pas tromper longtemps le public sur ce qu’il voit, ce qu’il touche, ce qui l’affecte directement ; mais sur ce qui se passe au dehors, sur ce qui ne nous parvient qu’à travers des traductions infidèles et tronquées, il n’est pas indispensable d’avoir raison, il suffit, ce qui est facile, de produire une illusion quelque peu durable. D’ailleurs, en appelant à soi cet esprit de nationalité si puissant en France, en se proclamant seul défenseur de notre gloire, de notre drapeau, de notre indépendance ; en montrant sans cesse l’existence du ministère liée à un intérêt étranger, on est sûr de le battre en brèche avec une force populaire irrésistible : car quel ministre peut es-