Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/116

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La liberté commerciale aura probablement le sort de toutes les libertés ; elle ne s’introduira dans nos lois qu’après avoir pris possession de nos esprits. Mais s’il est vrai qu’une réforme doive être généralement comprise pour être solidement établie, il s’ensuit que rien ne la peut retarder comme ce qui égare l’opinion ; et quoi de plus propre à l’égarer que les écrits qui réclament la liberté en s’appuyant sur les doctrines du monopole ?

Il y a quelques années, trois grandes villes de France, Lyon, Bordeaux et le Havre, firent une levée de boucliers contre le régime restrictif. Le pays, l’Europe entière s’émurent en voyant se dresser ce qu’ils prirent pour le drapeau de la liberté. — Hélas ! c’était encore le drapeau du monopole ! d’un monopole un peu plus mesquin et beaucoup plus absurde que celui qu’on semblait vouloir renverser. — Grâce au sophisme que je vais essayer de dévoiler, les pétitionnaires ne firent que reproduire, en y ajoutant une inconséquence de plus, la doctrine de la protection au travail national.

Qu’est ce, en effet, que le régime prohibitif ? Écoutons M. de Saint-Cricq.

« Le travail constitue la richesse peuple, parce que seul il crée choses matérielles que réclament nos besoins, et que l’aisance universelle consiste dans l’abondance de ces choses. » — Voilà le principe.

« Mais il faut que cette abondance soit le produit du travail national. Si elle était le produit du travail étranger, le travail national s’arrêterait promptement. » — Voila l’erreur. (Voir le sophisme précédent.)

« Que doit donc faire un pays agricole et manufacturier ? Réserver son marché aux produits de son sol et de son industrie. » — Voilà le but.

« Et pour cela, restreindre par des droits et prohiber au besoin les produits du sol et de l’industrie des autres peuples. » — Voilà le moyen.