Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/135

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Babyloniens, Mèdes, Perses, Égyptiens, Grecs, Romains, Goths, Francs, Huns, Turcs, Arabes, Mongols, Tartares, sans compter celle des Espagnols en Amérique, des Anglais dans l’Inde, des Français en Afrique, des Russes en Asie, etc., etc.

Mais, du moins, chez les nations civilisées, les hommes qui produisent les richesses sont devenus assez nombreux et assez forts pour les défendre. — Est-ce à dire qu’ils ne sont plus dépouillés ? Point du tout ; ils le sont autant que jamais, et, qui plus est, ils se dépouillent les uns les autres.

Seulement, l’agent est changé : ce n’est plus par force, c’est par ruse qu’on s’empare des richesses publiques.

Pour voler le public, il faut le tromper. Le tromper, c’est lui persuader qu’on le vole pour son avantage ; c’est lui faire accepter en échange de ses biens des services fictifs, et souvent pis. — De là le Sophisme. — Sophisme théocratique, Sophisme économique, Sophisme politique, Sophisme financier. — Donc, depuis que la force est tenue en échec, le Sophisme n’est pas seulement un mal, c’est le génie du mal. Il le faut tenir en échec à son tour. — Et, pour cela, rendre le public plus fin que les fins, comme il est devenu plus fort que les forts.

Bon public, c’est sous le patronage de cette pensée que je t’adresse ce premier essai, — bien que la Préface soit étrangement transposée, et la Dédicace quelque peu tardive[1].


Mugron, 2 novembre 1845.

  1. Cette pensée, qui termine la première série des Sophismes, va être reprise et développée par l’auteur, au commencement de la seconde série. L’influence de la Spoliation sur les destinées de l’humanité le préoccupait vivement. Après avoir plusieurs fois abordé ce sujet dans les Sophismes et les Pamphlets (V. notamment Propriété et SpoliationSpoliation et Loi), il lui destinait une place étendue dans la seconde partie des Harmonies, parmi les causes perturbatrices. Enfin, dernier témoignage de l’intérêt qu’il y attachait, il disait, à la veille de sa mort : « Un travail bien important à faire, pour l’économie politique, c’est d’écrire l’histoire de la Spoliation. C’est une longue histoire dans laquelle, dès l’origine, apparaissent les conquêtes, les migrations des peuples, les invasions et tous les funestes excès de la force aux prises avec la justice. De tout cela il reste encore aujourd’hui des traces vivantes, et c’est une grande difficulté pour la solution des questions posées dans notre siècle. On n’arrivera pas à cette solution tant qu’on n’aura pas bien constaté en quoi et comment l’injustice, faisant sa part au milieu de nous, s’est impatronisée dans nos mœurs et dans nos lois. » (Note de l’éditeur.)