Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/199

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Et l’on vient accuser la liberté des désastres qu’elle prévient et répare du moins en partie !

Un pauvre lépreux vivait dans la solitude. Ce qu’il avait touché, nul ne le voulait toucher. Réduit à se suffire à lui-même, il traînait dans ce monde une misérable existence. Un grand médecin le guérit. Voilà notre solitaire en pleine possession de la liberté des échanges. Quelle belle perspective s’ouvrait devant lui ! Il se plaisait à calculer le bon parti que, grâce à ses relations avec les autres hommes, il pourrait tirer de ses bras vigoureux. Il vint à se les rompre tous les deux. Hélas ! son sort fut plus horrible. Les journalistes de ce pays, témoins de sa misère, disaient : « Voyez à quoi l’a réduit la faculté d’échanger ! Vraiment, il était moins à plaindre quand il vivait seul. — Eh ! quoi, répondait le médecin, ne tenez-vous aucun compte de ses deux bras cassés ? n’entrent-ils pour rien dans sa triste destinée ? Son malheur est d’avoir perdu les bras, et non point d’être guéri de la lèpre. Il serait bien plus à plaindre s’il était manchot et lépreux par dessus le marché. »

Post hoc, ergo propter hoc ; méfiez-vous de ce sophisme.



IX. — LE VOL À LA PRIME[1].


On trouve mon petit livre des Sophismes trop théorique, scientifique, métaphysique. Soit. Essayons du genre trivial, banal, et, s’il le faut, brutal. Convaincu que le public est dupe à l’endroit de la protection, je le lui ai voulu prouver. Il préfère qu’on le lui crie. Donc vociférons :

Midas, le roi Midas a des oreilles d’âne !

Une explosion de franchise fait mieux souvent que les circonlocutions les plus polies. Vous vous rappelez Oronte

  1. Tiré du Journal des économistes, n° de janvier 1846. (Note de l’éditeur.)