Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/203

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« Voix confuses. Appuyé, appuyé ! Un agriculteur : À moi 3 fr. de prime par hectolitre de blé ! Un tisserand : À moi 2 fr. de prime par mètre de toile ! etc., etc.

« Le président. Voilà qui est entendu ; notre session aura enfanté le système des primes, et ce sera sa gloire éternelle. Quelle industrie pourra perdre désormais, puisque nous avons deux moyens si simples de convertir les pertes en profits : le tarif et la prime ? La séance est levée. »

Il faut que quelque vision surnaturelle m’ait montré en songe la prochaine apparition de la prime (qui sait même si je n’en ai pas suggéré la pensée à M. Dupin), lorsqu’il y a quelques mois j’écrivais ces paroles :

« Il me semble évident que la protection aurait pu, sans changer de nature et d’effets, prendre la forme d’une taxe directe prélevée par l’État et distribuée en primes indemnitaires aux industries privilégiées. »

Et après avoir comparé le droit protecteur à la prime :

« J’avoue franchement ma prédilection pour ce dernier système ; il me semble plus juste, plus économique et plus loyal. Plus juste, parce que si la société veut faire des largesses à quelques-uns de ses membres, il faut que tous y contribuent ; plus économique, parce qu’il épargnerait beaucoup de frais de perception et ferait disparaître beaucoup d’entraves ; plus loyal enfin, parce que le public verrait clair dans l’opération et saurait ce qu’on lui fait faire[1]. »

Puisque l’occasion nous en est si bénévolement offerte, étudions le vol à la prime. Aussi bien, ce qu’on en peut dire s’applique au vol au tarif, et comme celui-ci est un peu mieux déguisé, le filoutage direct aidera à comprendre le filoutage indirect. L’esprit procède ainsi du simple au composé.

  1. Sophismes économiques, Ire série, chap. v, pag. 49 et 50.