Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/299

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Certes, quelque idée qu’on se fasse des ressources de la France, on admettra du moins qu’il faut que ces ressources se développent pour faire face à cette double entreprise si gigantesque et, en apparence, si contradictoire.

Mais voici qu’au milieu de ce mouvement extraordinaire, et qu’on pourrait considérer comme au-dessus des forces humaines, même alors que toutes les énergies du pays seraient dirigées vers le travail productif, un cri s’élève : Le droit de propriété est une création de la loi. En conséquence, le législateur peut rendre à chaque instant, et selon les théories systématiques dont il est imbu, des décrets qui bouleversent toutes les combinaisons de l’industrie. Le travailleur n’est pas propriétaire d’une chose ou d’une valeur parce qu’il l’a créée par le travail, mais parce que la loi d’aujourd’hui la lui garantit. La loi de demain peut retirer cette garantie, et alors la propriété n’est plus légitime.

Je le demande, que doit-il arriver ? C’est que le capital et le travail s’épouvantent ; c’est qu’ils ne puissent plus compter sur l’avenir. Le capital, sous le coup d’une telle doctrine, se cachera, désertera, s’anéantira. Et que deviendront alors les ouvriers, ces ouvriers pour qui vous professez une affection si vive, si sincère, mais si peu éclairée ? Seront-ils mieux nourris quand la production agricole sera arrêtée ? Seront-ils mieux vêtus quand nul n’osera fonder une fabrique ? Seront-ils plus occupés quand les capitaux auront disparu ?

Et l’impôt, d’où le tirerez-vous ? Et les finances, comment se rétabliront-elles ? Comment paierez-vous l’armée ? Comment acquitterez-vous vos dettes ? Avec quel argent prêterez-vous les instruments du travail ? Avec quelles ressources soutiendrez-vous ces institutions charitables, si faciles à décréter ?

Je me hâte d’abandonner ces tristes considérations. Il me reste à examiner dans ses conséquences le principe opposé