Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/33

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ne peuvent nuire aux bateaux qu’en attirant à eux les transports ; ils ne peuvent les attirer qu’en les exécutant à meilleur marché, et ils ne peuvent les exécuter à meilleur marché qu’en diminuant le rapport de l’effort employé au résultat obtenu, puisque c’est cela même qui constitue le bon marché. Lors donc que M. le baron Dupin déplore cette suppression du travail pour un résultat donné, il est dans la doctrine du Sisyphisme. Logiquement, comme il préfère le bateau au rail, il devrait préférer le char au bateau, le bât au char, et la hotte à tous les moyens de transport connus, car c’est celui qui exige le plus de travail pour le moindre résultat.


« Le travail constitue la richesse d’un peuple », disait M. de Saint-Cricq, ce ministre du commerce qui a tant imposé d’entraves au commerce. Il ne faut pas croire que c’était là une proposition elliptique, signifiant : « Les résultats du travail constituent la richesse d’un peuple. » Non, cet économiste entendait bien dire que c’est l’intensité du travail qui mesure la richesse, et la preuve, c’est que, de conséquence en conséquence, de restriction en restriction, il conduisait la France, et il croyait bien faire, à consacrer un travail double pour se pourvoir d’une quantité égale de fer, par exemple. En Angleterre, le fer était alors à 8 fr. ; en France, il revenait à 16 fr. En supposant la journée du travail à 1 fr., il est clair que la France pouvait, par voie d’échange, se procurer un quintal de fer avec huit journées prises sur l’ensemble du travail national. Grâce aux mesures restrictives de M. de Saint-Cricq, il fallait à la France seize journées de travail pour obtenir un quintal de fer par la production directe. — Peine double pour une satisfaction identique, donc richesse double ; donc encore la richesse se mesure non par le résultat, mais par l’intensité du travail. N’est-ce pas là le Sisyphisme dans toute sa pureté !