Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/36

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tendre, par exemple, de la betterave ? Ne voyez-vous pas que 48,000 hectares de terrain, un capital et une main d’œuvre proportionnés suffiront à approvisionner de sucre toute la France ? Donc c’est une industrie d’une utilité limitée ; limitée, bien entendu, quant au travail qu’elle exige, seule manière dont, selon l’ancien ministre, une industrie puisse être utile. Cette utilité serait bien plus limitée encore si, grâce à la fécondité du sol ou à la richesse de la betterave, nous recueillions sur 24,000 hectares ce que nous ne pouvons obtenir que sur 48,000. Oh ! s’il fallait vingt fois, cent fois plus de terre, de capitaux et de bras pour arriver au même résultat, à la bonne heure, on pourrait fonder sur la nouvelle industrie quelques espérances, et elle serait digne de toute la protection de l’État, car elle offrirait un vaste champ au travail national. Mais produire beaucoup avec peu ! cela est d’un mauvais exemple, et il est bon que la loi y mette ordre.

Mais ce qui est vérité à l’égard du sucre ne saurait être erreur relativement au pain. Si donc l’utilité d’une industrie doit s’apprécier, non par les satisfactions qu’elle est en mesure de procurer avec une quantité de travail déterminée, mais, au contraire, par le développement de travail qu’elle exige pour subvenir à une somme donnée de satisfactions, ce que nous devons désirer évidemment, c’est que chaque hectare de terre produise peu de blé, et chaque grain de blé peu de substance alimentaire ; en d’autres termes, que notre territoire soit infertile ; car alors la masse de terres, de capitaux, de main-d’œuvre qu’il faudra mettre en mouvement pour nourrir la population sera comparativement bien plus considérable ; on peut même dire que le débouché ouvert au travail humain sera en raison directe de cette infertilité. Les vœux de MM. Bugeaud, Saint-Cricq, Dupin, d’Argout, seront satisfaits ; le pain sera cher, le travail abondant, et la France sera riche, riche comme ces messieurs l’entendent.