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PROPRIÉTÉ ET SPOLIATION.

maintenu, pour que l’hypothèse actuelle rentrât à l’instant dans l’hypothèse précédente ? Une seule chose : c’est qu’à côté de notre île il en surgît une seconde, ou, mieux encore, des continents non entièrement envahis par la culture.

Alors le travail continuerait à se développer, se répartissant dans de justes proportions entre l’agriculture et les autres industries, sans oppression possible de part ni d’autre, puisque si le propriétaire disait à l’artisan : « Je te vendrai mon blé à un prix qui dépasse la rémunération normale du travail, » celui-ci se hâterait de répondre : « Je travaillerai pour les propriétaires du continent, qui ne peuvent avoir de telles prétentions. »

Cette période arrivée, la vraie garantie des masses est donc dans la liberté de l’échange, dans le droit du travail[1].

Le droit du travail, c’est la liberté, c’est la propriété. L’artisan est propriétaire de son œuvre, de ses services ou du prix qu’il en a retiré, aussi bien que le propriétaire du sol. Tant que, en vertu de ce droit, il peut les échanger sur toute la surface du globe contre des produits agricoles, il maintient forcément le propriétaire foncier dans cette position d’égalité que j’ai précédemment décrite, où les services s’échangent contre des services, sans que la possession du sol confère par elle-même, pas plus que la possession d’une machine à vapeur ou du plus simple outil, un avantage indépendant du travail.

Mais si, usurpant la puissance législative, les propriétaires défendent aux prolétaires de travailler pour le dehors contre de la subsistance, alors l’équilibre des services est rompu. Par respect pour l’exactitude scientifique, je ne dirai pas que par là ils élèvent artificiellement la valeur du sol ou des

  1. Cette hypothèse a été examinée de nouveau par l’auteur dans la dernière partie de sa lettre à M. Thiers. Voy. ci-après les 12 dernières pages de Protectionisme et Communisme.(Note de l’éditeur.)