Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/462

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tiers ; telles furent celles des Romains. On dira que, quant à ceux-ci, la grandeur de leur entreprise et l’immensité du succès a jeté sur leurs crimes un voile assez glorieux pour les transformer en vertus. — Et c’est pour cela que cette école est si pernicieuse. Ce n’est pas le vice abject, c’est le vice couronné de splendeur qui séduit les âmes.

Enfin, relativement à la société, le monde ancien a légué au nouveau deux fausses notions qui l’ébranlent et l’ébranleront longtemps encore.

L’une : Que la société est un état hors de nature, né d’un contrat. Cette idée n’était pas aussi erronée autrefois qu’elle l’est de nos jours. Rome, Sparte, c’était bien deux associations d’hommes ayant un but commun et déterminé : le pillage ; ce n’était pas précisément des sociétés, mais des armées.

L’autre, corollaire de la précédente : Que la loi créé les droits, et que, par suite, le législateur et l’humanité sont entre eux dans les mêmes rapports que le potier et l’argile. Minos, Lycurgue, Solon, Numa avaient fabriqué les sociétés crétoise, lacédémonienne, athénienne, romaine. Platon était fabriquant de républiques imaginaires devant servir de modèles aux futurs instituteurs des peuples et pères des nations.

Or, remarquez-le bien, ces deux idées forment le caractère spécial, le cachet distinctif du socialisme, en prenant ce mot dans le sens défavorable et comme la commune étiquette de toutes les utopies sociales.

Quiconque, ignorant que le corps social est un ensemble de lois naturelles, comme le corps humain, rêve de créer une société artificielle, et se prend à manipuler à son gré la famille, la propriété, le droit, l’humanité, est socialiste. Il ne fait pas de la physiologie, il fait de la statuaire ; il n’observe pas, il invente ; il ne croit pas en Dieu, il croit en lui-même ; il n’est pas savant, il est tyran ; il ne sert pas les hommes, il en dispose ; il n’étudie pas leur nature, il la