Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/49

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coup, mais elles gagnent moins que l’inventeur, car la concurrence vient de commencer son œuvre. Le prix des livres va toujours baissant. Les bénéfices des imitateurs diminuent à mesure qu’on s’éloigne du jour de l’invention, c’est-à-dire à mesure que l’imitation devient moins méritoire… Bientôt la nouvelle industrie arrive à son état normal ; en d’autres termes, la rémunération des imprimeurs n’a plus rien d’exceptionnel, et, comme autrefois celle des scribes, elle n’est plus gouvernée que par le taux général des profits. Voilà donc la production, en tant que telle, replacée comme au point de départ. — Cependant l’invention n’en est pas moins acquise ; l’épargne du temps, du travail, de l’effort pour un résultat donné, pour un nombre déterminé d’exemplaires, n’en est pas moins réalisée. Mais comment se manifeste-t-elle ? par le bon marché des livres. Et au profit de qui ? Au profit du consommateur, de la société, de l’humanité. — Les imprimeurs, qui désormais n’ont plus aucun mérite exceptionnel, ne reçoivent pas non plus désormais une rémunération exceptionnelle. Comme hommes, comme consommateurs, ils sont sans doute participants des avantages que l’invention a conférés à la communauté. Mais voilà tout. En tant qu’imprimeurs, en tant que producteurs, ils sont rentrés dans les conditions ordinaires de tous les producteurs du pays. La société les paie pour leur travail, et non pour l’utilité de l’invention. Celle-ci est devenue l’héritage commun et gratuit de l’humanité entière.

J’avoue que la sagesse et la beauté de ces lois me frappent d’admiration et de respect. J’y vois le saint-simonisme : À chacun selon sa capacité, à chaque capacité selon ses œuvres. — J’y vois le communisme, c’est-à-dire la tendance des biens à devenir le commun héritage des hommes ; — mais un saint-simonisme, un communisme réglés par la prévoyance infinie, et non point abandonnés à la fragilité, aux passions et à l’arbitraire des hommes.