Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/518

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prétentions absolues. » Je répondais : Si vous n’avez que cela en vue, agissez par vos chambres de commerce. On me disait encore : « Le mot Libre-Échange effraie et éloigne le succès. » Rien n’était plus vrai ; mais je tirais de l’effroi même causé par ce mot mon plus fort argument pour son adoption. Plus il épouvante, disais-je, plus cela prouve que la notion de Propriété s’efface des esprits. La doctrine Prohibitioniste a faussé les idées, et les fausses idées ont produit la Protection. Obtenir par surprise ou par le bon vouloir du ministre une amélioration accidentelle du tarif, c’est pallier un effet, non détruire une cause. Je maintins donc le mot Libre-Échange, non en dépit, mais en raison des obstacles qu’il devait nous créer ; obstacles qui, révélant la maladie des esprits, étaient la preuve certaine que les bases mêmes de l’ordre social étaient menacées.

Il ne suffisait pas de signaler notre but par un mot ; il fallait encore le définir. C’est ce que nous fîmes et je transcris ici, comme pièce à l’appui, le premier acte ou le manifeste de cette association.


Au moment de s’unir pour la défense d’une grande cause, les soussignés sentent le besoin d’exposer leur croyance ; de proclamer le but, la limite, les moyens et l’esprit de leur association.

L’Échange est un droit naturel comme la Propriété. Tout citoyen qui a créé ou acquis un produit doit avoir l’option ou de l’appliquer immédiatement à son usage, ou de le céder à quiconque, sur la surface du globe, consent à lui donner en échange l’objet qu’il préfère. Le priver de cette faculté, quand il n’en fait aucun usage contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs, et uniquement pour satisfaire la convenance d’un autre citoyen, c’est légitimer une spoliation, c’est blesser la loi de la Justice.

C’est encore violer les conditions de l’Ordre ; car quel ordre peut exister au sein d’une société où chaque industrie, aidée en cela par la loi et la force publique, cherche ses succès dans l’oppression de toutes les autres ?

C’est méconnaître la pensée providentielle qui préside aux destinées humaines, manifestée par l’infinie variété des climats, des saisons, des