Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/544

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Permettez-moi encore une observation dont je suis surpris qu’on ne se soit pas plus frappé. C’est que la protection appliquée aux produits agricoles se montre dans toute son odieuse iniquité à l’égard de ce qu’on nomme les Prolétaires, tout en nuisant, à la longue, aux propriétaires fonciers eux-mêmes.

Imaginons dans les mers du Sud une île dont le sol soit devenu la propriété privée d’un certain nombre d’habitants.

Imaginons, sur ce territoire approprié et borné, une population prolétaire toujours croissante ou tendant à s’accroître[1].

Cette dernière classe ne pourra rien produire directement de ce qui est indispensable à la vie. Il faudra qu’elle livre son travail à des hommes qui soient en mesure de lui fournir en échange des aliments, et même des matériaux de travail ; des céréales, des fruits, des légumes, de la viande, de la laine, du lin, du cuir, du bois, etc.

Son intérêt évident est que le marché où se vendent ces choses soit le plus étendu possible. Plus elle se trouvera en présence d’une plus grande abondance de ces produits agricoles, plus elle en recevra pour chaque quantité donnée de son propre travail.

Sous un régime libre, on verra une foule d’embarcations aller chercher des aliments et des matériaux dans les îles et les continents voisins, et y porter en paiement des produits façonnés. Les propriétaires jouiront de toute la prospérité à laquelle ils ont droit de prétendre ; un juste équilibre sera maintenu entre la valeur du travail industriel et celle du travail agricole.

Mais, dans cette situation, les propriétaires de l’île font

  1. Voy., au présent tome, la 3e lettre de l’opuscule Propriété et Spoliation, p. 407 et suiv.(Note de l’éditeur.)