Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/546

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est vrai, régnerait autour de vous, mais y prendriez-vous part ? Ne dites pas que vos salaires se maintiendraient et s’élèveraient parce que les étrangers ne feraient qu’augmenter le nombre de ceux qui vous commandent du travail. Qui vous assure qu’il ne leur prendra pas fantaisie de vous livrer leurs produits pour rien ? En ce cas, n’ayant plus ni travail ni salaire, vous périrez d’inanition au milieu de l’abondance. Croyez-nous, acceptez notre loi avec reconnaissance. Croissez et multipliez ; ce qu’il restera de vivres dans l’île au delà de notre consommation, vous sera livré contre votre travail, qui, par ce moyen, vous sera toujours assuré. Surtout gardez-vous de croire qu’il s’agit ici d’un débat entre vous et nous, dans lequel votre liberté et votre propriété sont en jeu. N’écoutez jamais ceux qui vous le disent. Tenez pour certain que le débat est entre vous et l’étranger, ce barbare étranger, que Dieu maudisse, et qui veut évidemment vous exploiter en vous offrant des transactions perfides, que vous êtes libres d’accepter ou de repousser. »

Il n’est pas invraisemblable qu’un pareil discours, convenablement assaisonné de sophismes sur le numéraire, la balance du commerce, le travail national, l’agriculture nourricière de l’État, la perspective d’une guerre, etc., etc., n’obtînt le plus grand succès, et ne fît sanctionner le décret oppresseur par les opprimés eux-mêmes, s’ils étaient consultés. Cela s’est vu et se verra.

Mais les préventions des propriétaires et des prolétaires ne changent pas la nature des choses. Le résultat sera une population misérable, affamée, ignorante, pervertie, moissonnée par l’inanition, la maladie et le vice. Le résultat sera encore le triste naufrage, dans les intelligences, des notions du Droit, de la Propriété, de la Liberté et des vraies attributions de l’État.

Et ce que je voudrais bien pouvoir démontrer ici, c’est que le châtiment remontera bientôt aux propriétaires eux-