Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/82

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qui aura perdu ? Si Jean achète le drap plus cher, il vend aussi plus cher son blé ; et si Pierre perd sur l’achat du blé, il se récupère sur la vente de son drap. « Chacun retrouve dans l’excédant du prix de ses produits (dirai-je) l’excédant du montant de ses dépenses ; et si tout le monde paie comme consommateur, tout le monde aussi reçoit comme producteur. »

Tout cela, c’est de l’amphigouri et non de la science. La vérité, réduite à sa plus simple expression, la voici : que les hommes détruisent le drap et le blé par l’incendie ou par l’usage, l’effet est le même quant aux prix, mais non quant à la richesse, car c’est précisément dans l’usage des choses que consiste la richesse ou le bien-être.

De même, la restriction, tout en diminuant l’abondance des choses, peut en hausser le prix de manière à ce que chacun soit, si vous voulez, numérairement parlant, aussi riche. Mais faire figurer dans un inventaire trois hectolitres de blé à 20 francs ou quatre hectolitres à 15 francs, parce que le résultat est toujours 60 francs, cela revient-il au même, au point de vue de la satisfaction des besoins ?

Et c’est à ce point de vue de la consommation que je ne cesserai de ramener les protectionistes, car c’est là qu’est la fin de tous nos efforts et la solution de tous les problèmes[1]. Je leur dirai toujours : N’est-il pas vrai que la restriction, en prévenant les échanges, en bornant la division du travail, en le forçant à s’attaquer à des difficultés de situation et de température, diminue en définitive la quantité produite par une somme d’efforts déterminés ? Et qu’importe

  1. Cette pensée revient souvent sous la plume de l’auteur. Elle avait à ses yeux une importance capitale et lui dictait quatre jours avant sa mort cette recommandation : « Dites à de F. de traiter les questions économiques toujours au point de vue du consommateur, car l’intérêt du consommateur ne fait qu’un avec celui de l’humanité. » (Note de l’éditeur.)