Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/85

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on vous flagorne, et bientôt il en sera des ouvriers comme des esclaves : les hommes sérieux auront honte d’embrasser publiquement leur cause, car comment introduire quelques idées sensées au milieu de ces fades déclamations ?

Mais loin de nous cette lâche indifférence que ne justifierait pas l’affectation qui la provoque !

Ouvriers, votre situation est singulière ! on vous dépouille, comme je le prouverai tout à l’heure… Mais non, je retire ce mot ; bannissons de notre langage toute expression violente et fausse peut-être, en ce sens que la spoliation, enveloppée dans les sophismes qui la voilent, s’exerce, il faut le croire, contre le gré du spoliateur et avec l’assentiment du spolié. Mais enfin, on vous ravit la juste rémunération de votre travail, et nul ne s’occupe de vous faire rendre justice. Oh ! s’il ne fallait pour vous consoler que de bruyants appels à la philanthropie, à l’impuissante charité, à la dégradante aumône, s’il suffisait des grands mots organisation, communisme, phalanstère, on ne vous les épargne pas. Mais justice, tout simplement justice, personne ne songe à vous la rendre. Et cependant ne serait-il pas juste que, lorsque après une longue journée de labeur vous avez touché votre modique salaire, vous le puissiez échanger contre la plus grande somme de satisfactions que vous puissiez obtenir volontairement d’un homme quelconque sur la surface de la terre ?

Un jour, peut-être, je vous parlerai aussi d’association, d’organisation, et nous verrons alors ce que vous avez à attendre de ces chimères par lesquelles vous vous laissez égarer sur une fausse quête.

En attendant, recherchons si l’on ne vous fait pas injustice en vous assignant législativement les personnes à qui il vous est permis d’acheter les choses qui vous sont nécessaires : le pain, la viande, la toile, le drap, et, pour ainsi dire, le prix artificiel que vous devez y mettre.