Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/103

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devons vivre du travail. Là, on fondait les moyens de subsistance sur l’esclavage et la rapine ; ici, sur l’industrie libre. La société romaine s’était organisée en conséquence de son principe. Elle devait admirer ce qui la faisait prospérer. On y devait appeler vertus ce qu’ici nous appelons vices. Ses poëtes, ses historiens devaient exalter ce qu’ici nous devons mépriser. Les mots mêmes : liberté, ordre, justice, peuple, honneur, influence, etc., ne pouvaient avoir la même signification à Rome qu’ils ont, ou devraient avoir à Paris. Comment voulez-vous que toute cette jeunesse, qui sort des écoles universitaires ou monacales, qui a eu pour catéchisme Tite-Live et Quinte-Curce, ne comprenne pas la liberté comme les Gracques, la vertu comme Caton, le patriotisme comme César ? Comment voulez-vous qu’elle ne soit pas factieuse et guerrière ? Comment voulez-vous surtout qu’elle prenne le moindre intérêt au mécanisme de notre ordre social ? Croyez vous que son esprit est bien préparé à le comprendre ? Ne voyez-vous pas qu’elle devrait, pour cela, se défaire de ses impressions pour en recevoir de tout opposées ?

— Que concluez-vous de là ?

— Le voici : le plus pressé, ce n’est pas que l’État enseigne, mais qu’il laisse enseigner. Tous les monopoles sont détestables, mais le pire de tous, c’est le monopole de l’enseignement[1].

  1. Voy., au tome IV, Baccalauréat et Socialisme. (Note de l’éditeur.)