Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/158

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nos traditions ; nous n’entendons pas même Descartes ; car, si nous entendions Descartes, il nous conduirait à Kant, Fichte, Hegel, et au delà.

Quittons, toutefois, la contradiction, puisqu’elle vous est importune, et revenons à l’ancienne méthode. Vous savez ce que l’on entend, dans la logique ordinaire, par distinction. À défaut de professeur de philosophie, Diafoirus le jeune vous l’aurait appris. C’est le procédé qui vous est le plus familier, et qui témoigne le mieux de la subtilité de votre esprit. Je vais donc, pour répondre à votre question, faire usage du distinguo : peut-être alors ne vous sera-t-il plus possible de dire que vous ne me comprenez pas.

Vous demandez : l’intérêt du capital est-il légitime, oui ou non ? Répondez à cela, sans antinomie et sans antithèse.

Je réponds : Distinguons, s’il vous plaît. Oui, l’intérêt du capital a pu être considéré comme légitime dans un temps ; non, il ne peut plus l’être dans un autre. Cela vous offre-t-il quelque ambage, quelque équivoque ? Je vais tâcher de dissiper toutes les ombres.

La monarchie absolue a été légitime dans un temps : ce fut une des conditions du développement politique. Elle a cessé d’être légitime à une autre époque, parce qu’elle était devenue un obstacle au progrès. — Il en a été de même de la monarchie constitutionnelle : c’était, en 89 et jusqu’en 1830, la seule forme politique qui convînt à notre pays ; ce serait aujourd’hui une cause de perturbation et de décadence.

La polygamie a été légitime à une époque : c’était le premier pas fait hors de la promiscuité communautaire. Elle est condamnée de nos jours comme contraire à la dignité de la femme : nous la punissons des galères.

Le combat judiciaire, l’épreuve de l’eau bouillante, la torture elle-même, lisez M. Rossi, eurent également leur légitimité. C’était la première forme donnée à la justice.