Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/168

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aiguisée ; la mienne y eût infailliblement succombé, et bien loin de me faire comprendre des autres, je ne pourrais plus me comprendre moi-même.

Enfin, à cette question : l’intérêt est-il légitime ? Vous répondez, non plus en allemand : Oui et non, mais en latin : Distinguo. « Distingons ; oui, l’intérêt du capital a pu être considéré comme légitime dans un temps ; non, il ne peut plus l’être dans un autre. »

Eh bien ! votre condescendance hâte, ce me semble, la conclusion de ce débat. Elle prouve surtout que j’avais bien choisi le terrain ; car, que prétendez-vous ? Vous dites qu’à un moment donné, la rémunération du capital passe de la légitimité à l’illégitimité ; c’est-à-dire que le capital lui-même se dépouille de sa nature pour revêtir une nature opposée. Certes, la présomption n’est pas pour vous, et c’est à celui qui veut bouleverser la pratique universelle sur la foi d’une affirmation si étrange, à la prouver.

J’avais fait résulter la légitimité de l’intérêt de ce que le prêt est un service, lequel est susceptible d’être évalué, a, par conséquent, une valeur et peut s’échanger contre toute autre valeur égale. Je croyais même que vous étiez convenu de la vérité de cette doctrine, en ces termes :

« Il est très-vrai, comme vous l’établissez vous-même péremptoirement, que le prêt est un service. Et comme tout service est une valeur, comme il est de la nature de tout service d’être rémunéré, il s’ensuit que le prêt doit avoir son prix, ou, pour employer le mot technique, qu’il doit porter intérêt. »

Voilà ce que vous disiez, il y a quinze jours. Aujourd’hui vous dites : Distinguons, prêter c’était rendre service autrefois, ce n’est plus rendre service maintenant.

Or, si prêter n’est pas rendre service, il va sans dire que l’intérêt est, je ne dis pas illégitime, mais impossible.

Votre argumentation nouvelle implique ce dialogue :