Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/202

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à eux à prouver leur innocence. — Vous avez, dites-vous, plusieurs moyens de les faire rentrer dans le droit. Il faut d’abord savoir s’ils en sont sortis. L’examen de vos inventions ne peut venir qu’après, puisqu’il suppose l’accusation fondée, ce qu’ils nient.

Cette marche est tellement logique, que vous y acquiescez en ces termes :

« Vrai ou fausse, légitime ou illégitime, morale ou immorale, j’accepte l’usure, je l’approuve, je la loue même ; je renonce à toutes les illusions du socialisme, et me refais chrétien, si vous me démontrez que la prestation des capitaux, de même que la circulation des valeurs, ne saurait, en aucun cas, être gratuite. »

Or, que fais-je autre chose ? C’est bien là mon terrain : prouver que le capital porte en lui-même l’indestructible principe de la rémunérabilité.

Cette doctrine, vous l’avez d’abord combattue par la théorie des contradictions, ensuite par celle des distinctions. L’intérêt, avez-vous dit, a eu sa raison d’existence autrefois, il ne l’a plus aujourd’hui. Il fut un instrument d’égalité et de progrès, il n’est plus que vol et oppression. — Et, là-dessus, vous citez plusieurs institutions et usages d’abord légitimes et libéraux, devenus plus tard injustes et funestes à la liberté, entre autres, la torture, le jugement par l’eau bouillante, l’esclavage, etc.

Je repousse, quant à moi, ce fatalisme cruel qui consiste à justifier tous les excès comme ayant servi la cause de la civilisation. L’esclavage, la torture, les épreuves judiciaires, n’ont pas avancé, mais retardé la marche de l’humanité. Il en eût été de même de l’intérêt, s’il n’avait été, comme vous le dites, qu’un abus de la force.

En outre, s’il y a des choses qui changent, il y en a qui ne changent pas. Depuis la création, il a été vrai que les trois angles d’un triangle sont égaux à deux angles droits,